Bien qu’étant le seul vecteur d’intégration sociale dans nos sociétés occidentales du XXIème siècle, l’exigence d’une performance pour chacun est d’un ordre anti-humain. Chiffrée en rendement virtuel (« soyez à 200% ! »), elle renvoie à une logique d’un progrès illimité, d’une création robotique humanoïde.
Nos échecs et autres évitements deviennent l’expression positive de notre humanité. Encore faut-il les reconnaître, les comprendre et les utiliser pour sortir de la toute-puissance d’une compréhension binaire du monde (action-réaction, fantasme de la gloire androgyne), être grandi par cet entraînement à une performance socialement et arbitrairement commandée (« Je dois me vendre, me mettre en valeur ; me présenter ne suffit pas »), et enfin tracer sa route, s’en libérer, se redresser dans sa propre autonomie essentiellement vivante.
Seul lieu social pour le droit d’être d’abord un corps, qui plus est dans sa globalité entière et indivisible, son unité temporelle et spatiale, son irréductible solitude.
* 1/extrême objectif : résultat, rendement, compétition * 2/extrême subjectif : spectacle, exhibition
Notion complexe et plurielle, gravitant autour d’un axe central : l’instantanéité d’une trans-formation vers la per-fection d’un corps, dont rend compte une image ;
Cette image vraiment réalisée par certains rend la performance accessible au commun des mortels sous la forme de la sortie de l’anonymat de ceux qui sont « vus à la télé » d’où l’essor des jeux et autres téléréalités. La recherche de sa propre performance se résout à la quête anxieuse du moyen (plus ou moins licite : du supporter, au collage des interviewés en passant par la délinquance plus ou moins grave) de « passer à la télé »
Distorsion de l’espace temps : Son culte l’inscrit dans une illusion de durée ; supporté par la répétition possible de ses images transférée sur l’obligation faite aux sportifs de garder leur titre… ce qui, réalisé, en fait est un soupçon de dopage !
Distorsion des mécanismes d’élation : la sublimation ne garde plus l’éprouvé et s’en dissociant devient chaotique (non contenue par une représentation, avide d’organisation et c’est là que l’image de la performance vient se poser) et prend les mots de l’idéal qui, lui, par définition est séparé de l’éprouvé : mots objets sensations, images de corps parfaits à « copier » ;
Entraînement sportif intensif = Humanisme
* L’entraînement sportif intensif est un processus conforme au postulat fondant l’Humanisme : l’homme est la fin de son action ; avec son corollaire qui en fait la vulnérabilité : absence de discours sur la légitimité de son produit donc la définition même de ce produit le fai illimité a priori * Parcours à difficultés variables selon les disciplines et leur universalité * Ingrédients : qualités personnelles + hasards heureux + structures publiques + environnement social « porteur »
Humanisme sportif sain
* Jeu bienveillant entre développement personnel et apprentissage * respect de la curiosité exploratoire kinesthésique
sur le mode du « play », de la création (autorisation à être saisi par la surprise de l’inattendu à partir de la répétition laborieuse et quotidienne du geste technique)
* de l ’humour
le plaisir ne fait pas d ’histoire
* le travail de l ’échec est possible, en synergie avec le staff d’encadrement *
Pression de la commande de résultat contraint au conditionnement artificiel
* L’objectif de la haute performance impose de satisfaire une commande de résultat programmée par d’autres, commercialisée par d’autres, concurrente et enviée de tous ;
L’apprentissage devient conditionnement selon la théorie des « reflexes acquis »
En étroite interaction avec le système entraîneur-sélectionneur ;
Lui-même intriqué aux logiques politico-économiques du lobby « sport »
Echecs à ce conditionnement=Humanisme sportif
A tous les niveaux, à chaque moment de la carrière sportive l’enjeu vital individuel est de réussir à mettre l’artifice (la technique au sens large) au service de l’inné (l’élan vital, la créativité propre) pour unifier chef d’œuvre et performance
Les échecs (stratégies personnelles ne satisfaisant pas le résultat prescrit) sont des alternatives humanistes à la réussite
Chaque échec déclenche un processus de réponse. L’idéal serait que cette réponse reste dans le champ de l’humanisme sportif.
Mais le plus souvent elles mettent en scène les dérives humanistes d’autant plus accessibles qu’elles sont culturellement à la mode, et de plus en plus déchaînées au fur et à mesure de l’ascension du « poulain » ;
Ces dérives humanistes signent la domination de l’artifice sur l’inné : c’est l’acharnement sportif. Elles créent des addicts ou pire des aliénés et s’organisent sur le mode pervers du harcèlement, en jouant sur l’entraînement à la tolérance de la douleur. 1/ Dérive identitaire de l’humanisme sportif Ciblée sur : Sélection arbitraire ; Aide obligatoire (entraîneur, logistique) ; Auto-engendrement : produit validé uniquement par les critères sportifs ; terrorisme relationnel « normal » ( le plus grave parce que spirituel et psychologique)Jacques Salomé, « je te tiens »
S’exprimant par : groupale : identité de maillot communauté sportive séparée de l’universalité démocratique, voire sectaire ; individuelle : sportif sandwich de son sponsor
2/ Dérive instrumentale de l’humanisme sportif
Ciblée sur : le sportif passionné, dépendant d’artifices, de recettes ; robotique humanoïde ; disciplines sportives exposées : sans vélo, ski, moto, raquette… pas de sportif ; Relation d ’emprise entraîneur-sportif ; abolition du temps du travail=confusion fabrique-outil-produit=dû du tout tout de suite=intolérance à la frustration
S’exprimant par : Irréversibilité des transformations psycho-corporelles ; champs de la psychopathologie et gêne à la reconversion
3/ Dérive moralisatrice de l’humanisme sportif
Ciblée sur : Sportif emblématique du Bien, du Beau et du Vrai
Alors que la performance sportive n’est qu’un idéal incarné de l’homme, image instantanée elle est vraie
Perversion de ces repères dans une culture de l’image et une société de consommation
S’exprimant par : Injonction paradoxales permanentes : structures parentales surtout pas modèle à imiter ; fais ce que je te dis et pas ce que je fais (éducation des parents tabagiques), l’acte à réaliser est une représentation du dire (et non de la parole). La place de l’entraîneur de nat synchro en est un exemple magistral.
Tableau de Mal-traitance sportive identitaire
* « Confirme le potentiel que nous avons détecté chez toi, c’est pour ton bien que je le dis » * Illusion de la grande famille des sportifs, au-delà de tous les déracinements individuels * Sportif-matricule biométrique (catégorie de poids) étiquette sport…
Tableau de Mal-traitance sportive instrumentale
* « j’ai bien le droit de te faire faire… », * « moi, je sais ce dont tu as besoin… » * Toute justification du dressage : * Toute-puissance donnée au mental ; valorisation de l’alexithymie * Effraction de l’intime : redistribution arbitraire des limite, « on attend que tu t’exprimes.. » mais surtout ne dis rien qui nous fâcherait !
Tableau de Mal-traitance sportive moralisatrice
- « Tu ne tricheras pas »
Pour y parvenir, renforcement sans mesure de :
L’estime de soi (image grandiose de l’ego ; égocentrisme…) ; déni de la peur de la mort ;
La recherche de la peur et la haine organise les comportements et attitudes
L’appauvrissement des états d’âme, sidération du travail du penser